L’OPÉRA DES RÉCITS MANQUANTS
L’Opéra des Récits Manquants – ORM
(Sous-titre : l’Opéra des Révolutions Minuscules – ORM)
Création artistique participative sur le territoire du Limousin recueillant et tissant des récits manquants, chants, témoignages, archives, rêves et cris, avec les choristes et chœurs citoyens du Plateau de Millevaches et de ses bordures, menée par Miléna Kartowski-Aïach & Jean-François Favreau.
Cette aventure artistique est portée par le Site de pratiques théâtrales Lavauzelle (Creuse) et la Compagnie de théâtre anthropologique Les Haïm (Paris). Le projet n’aurait pu voir le jour sans le soutien du ministère de la culture – direction régionale des affaires culturelles de la nouvelle Aquitaine (DRAC), désormais rejoint par la ville d’Eymoutiers et d’autres partenaires.
« Et s’il restait un chœur avant l’éclipse de notre temps ?
Et si ce chœur tentait de convoquer les mémoires passées, présentes et futures afin d’opérer
une réparation, là, maintenant, dans le tissu vibratoire du vivant ?
Et si nous tentions de faire chœur, comme un possible lancé vers le cosmos ?
Un chant de nos vies abimées qui désirent encore persévérer dans l’existence.
Il résonne là, dans la poitrine, là, tout bas, dans les entrailles anémiées, jusqu’aux confins.
Chanter comme au premier cri, pour convoquer les champs de force qui nous entourent.
Mélanger nos voix et nos langues, partager nos vécus et nos résistances, en chœur.
Nos chants sont de peu mais ils sont tout. »
Avec la participation de Claudine Loudière & Elsa Brodzki.
Vous souhaitez participer ? voici le mail : operadesrecitsmanquants@gmail.com
Il existe un plateau au centre de la France, constitué par mille autres plateaux, chacun d’eux étant autant de sources. Un maquis où subsistent encore quelques gares.
S’y côtoient les frontières de la Creuse, de la Corrèze et de la Haute Vienne, comme des nervures invisibles dans le paysage.
C’est une terre des confins intérieurs, l’oeil du cyclone – qui se fait oublier du monde pour mieux œuvrer. C’est en ce coeur précaire, caché, anonyme, que s’inventent des modes d’existence sensibles. Beaucoup d’êtres en cavale ont trouvé refuge dans cette zone libre, mais aussi blanche où l’hyper-connexion n’est pas la bienvenue.
Juifs, italiens, résistants, kurdes, indépendantistes… des exilés, des urbains éreintés. Territoire géographique pauvre et dépeuplé, participant de ce qui s’appelait la diagonale du vide… Pourtant les forces affluent pour imaginer. On y trouve des laboratoires, fermes du Goutailloux et de Lachaud, un Comité invisible, une Ecole de la terre, un centre d’art et du paysage, un syndicat et une fête de « la montagne Limousine ».
Une fois, des mambo haïtiennes – prêtresses du vaudou – sont venues parler à la forêt limousine et cueillir des lianes à Lavauzelle, pour les cérémonies des nuits à venir. On y a appelé Legba, l’esprit des carrefours, Balian, l’esprit de la forêt et des lianes, les Guédés, esprits des morts… Une demande leur a été faite de retisser le fil qui relie les humains aux forces du vivant, en résonance avec l’histoire des magiciens, rebouteux, sorciers et magnétiseurs qui ont mené et mènent dans les bois les rituels nécessaires à notre équilibre.
Le Plateau, c’est la terre-mère des troubadours, qui ont marqué les lieux de leurs poésie centenaire, qui bruisse encore en occitan.
Mais c’est aussi un affleurement de l’archipel, comme en témoignent les enfants déportés depuis les lointains du territoire national, et installés en Creuse, qui jusqu’à aujourd’hui chantent encore la mémoire du Maloya.
Là, pour tailler des bordures de trottoirs pour les grandes villes, on fait appel à des italiens fuyant le fascisme ; là, pour exploiter la forêt autour de Bourganeuf, on fait venir d’Anatolie des bucherons, migrants économiques ou exilés politiques ; là, à Mainsat, on a installé les réfugiés Kurdes ; là le ministère de l’intérieur « ventile » les demandeurs d’asile de Géorgie, Albanie, Afghanistan, Soudan, Ethiopie, Érythrée…
Creuse, creux, creuset…
Un énoncé s’impose aujourd’hui sur le plateau : « Il n’y aura pas d’expulsion dans la Montagne Limousine » !
Nous avons oublié, mais la terre, elle, se souvient de notre chant. Les racines circulent à travers le monde, ancrent et distribuent notre mémoire, celle de l’humanité, en rhizomes. Elles savent les tremblements avant que les secousses n’atteignent l’écorce terrestre. Elles savent nos égarements et comment nous avons assassinés les sols.
Après l’histoire minière du Limousin (charbon, puis or, uranium…), les anciens ne reconnaissent plus le Plateau sous l’impact du reboisement intensif, l’industrialisation et la robotisation de la filière bois, le projet d’implantation d’une usine de pellets torréfiés qui viendrait consumer une quantité faramineuse de matière ligneuse. Fleurissent des projets de parcs éoliens, en dépit des possibilités de raccordement électrique, de la qualité d’exposition aux vents. Subsiste cette injonction de tirer quelque ressource de ce territoire délaissé, peuplé de vaches subventionnées par la Communauté européenne… d’en faire une arrière-cuisine de la métropole.
Nous nous sommes privés de l’humus, de la faune, du biotope, en plantant des essences uniques dans nos exploitations savamment alignées. Nous nous sommes condamnés en détruisant le vivant sous nos propres pieds.
Si nous écoutions enfin les lamentations de la forêt comme celles des mères yezidies rescapées et des mineurs isolés qui peuplent les CADA et CAO du Plateau ?
Chaque être vivant a droit au refuge et à un second souffle. Encore une fois, les voix du monde convergent vers Millevaches.
Et si un opéra, notre opéra, permettait à ces chœurs réfugiés de faire assemblée pour raconter, se raconter et nous raconter le monde ? Si le chœur battant du plateau devenait une promesse lancée vers l’avenir pour ne pas abdiquer ? Un chant choral mais un chant monde, qui peut tout et relie les vivants, des entrailles de la terre au cosmos.
Direction artistique
Miléna Kartowski-Aïach et Jean-François Favreau
Calendrier prévisionnel
– Phase 1 : repérage, cartographie, écriture du projet, rencontres, enquête, laboratoires vocaux – octobre 2019/Juin 2020
– Phase 2 : recueil de récits manquants et de chants, écriture dramaturgique, création de chœurs, tissage de l’Opéra et ouverture du bureau international des récits manquants, activation de mini opéras in situ – Septembre 2020/Juin 2021
– Phase 3 : Création collective de l’Opéra et tournée sur le plateau de Millevaches – Octobre 2021/Juin 2022
A ce jour, le projet est soutenu par le Ministère de la culture / Direction régionale des affaires culturelles de Nouvelle Aquitaine (DRAC), et par la mairie d’Eymoutiers
Nini Villegas pour RADIO VASSIVIÈRE